Congeler ses ovocytes – enjeux éthiques et sociétaux

La congélation des ovocytes est une technique en pleine expansion, offrant aux femmes la possibilité de préserver leur fertilité pour des raisons personnelles ou médicales. Invitée à la Fondation Brocher, la Dre Isabelle Streuli, médecin spécialiste en médecine de la reproduction chez FertiGenève (HUG), a partagé son expertise et réfléchi aux enjeux éthiques et sociétaux de cette pratique.
Initialement destinée aux femmes atteintes de maladies graves, comme le cancer, la congélation des ovocytes est aujourd’hui utilisée pour des raisons sociétales. Elle permet aux femmes de retarder leur maternité en attendant des conditions plus favorables, qu’elles soient personnelles ou professionnelles. Toutefois, la Dre Streuli rappelle que cette technique n’est pas une garantie absolue de grossesse future.
Le recours à la congélation des ovocytes est en pleine expansion, en particulier chez les jeunes femmes souhaitant anticiper une baisse de leur fertilité avec l’âge. Néanmoins, cette tendance soulève des interrogations : s’agit-il d’une vraie liberté de choix ou d’une pression sociétale qui pousse les femmes à différer leur maternité pour mieux s’insérer professionnellement ?
En effet, depuis que certaines entreprises comme Apple et Facebook ont proposé de financer cette procédure pour leurs employées, la question de la pression professionnelle est revenue sur le devant de la scène. La congélation des ovocytes risque-t-elle de devenir un nouvel outil de conformisme au monde du travail plutôt qu’une réelle opportunité pour les femmes ?
En Suisse, la congélation des ovocytes pour raisons personnelles n’est pas prise en charge par l’Assurance Maladie, contrairement à la France où les frais sont couverts par la sécurité sociale. Ce facteur financier peut créer des inégalités d’accès à cette technologie.
La Dre Streuli souligne également que le taux d’utilisation des ovocytes congelés est relativement bas (seulement 6 à 7 % des femmes les utilisent finalement). Ce chiffre invite à une réflexion plus approfondie sur la pertinence de cette procédure pour toutes les patientes.
Si cette technologie offre des perspectives intéressantes, elle peut aussi donner l’illusion que la fertilité est entièrement maîtrisable. Or, même avec des ovocytes jeunes, une grossesse après 40 ans reste plus compliquée et comporte des risques accrus pour la mère et l’enfant. Par ailleurs, cette focalisation sur la procréation biologique met souvent au second plan d’autres alternatives comme l’adoption, qui reste pourtant une voie importante vers la parentalité.